Partager
L’histoire de la voiture à étage
Comment un croquis sur une serviette de bar a changé le transport pour des décennies à venir.
16 avr. 2025
Comme nombre de grands récits à travers l’histoire, tout a commencé autour d’un verre.
En 1967, GO Transit a été lancé en Ontario, son train inaugural partant d’Oakville pour Toronto sur la ligne Lakeshore, la seule à l’époque (qui sera éventuellement divisée entre les lignes Est et Ouest).
Des passagers montant à bord du premier train de voyageurs de l’Ontario. Les déplacements n’ont plus jamais été pareils depuis. (Photo de Metrolinx)
Les trains circulaient alors avec des voitures à un niveau construites par Hawker-Siddeley, un fabricant de Thunder Bay. Elles étaient certainement spacieuses pour l’époque, assez grandes pour asseoir 94 passagers et en contenir 125 au total. Mais personne n’aurait pu prédire à quel point le service GO Transit serait populaire. En l’espace de quelques mois, plus d’un million de clients ont pris le train. En moins d’un an, c’était plus de 2,5 millions.
Comment peut-on répondre à une demande d’un tel niveau? Simplement ajouter des voitures aux trains ne fonctionnerait pas, en raison de la taille fixe des quais. La solution? Aller à la verticale.
À la santé des ingénieurs
Un croquis sur une serviette de bar à l’hôtel Royal York de Toronto a conduit à la création de la voiture à étage, devenue emblématique. (Photo de Metrolinx, interprétation de l’artiste)
Retournons à ce verre. Transportez-vous dans les années 70, au bar de l’hôtel Royal York à Toronto. Un groupe d’experts de l’industrie comprenant le défunt directeur de l’ingénierie de GO Transit, Norm Kuster, était sur le point de faire l’histoire du transport en commun, sous l’influence peut-être de quelques libations.
Entre deux verres, Kuster esquisserait le premier croquis des emblématiques voitures à étage sur une serviette de bar.
L’expertise de Norm Kuster a été essentielle pour à la réalisation des voitures à étage (photo de Metrolinx).
Kuster avait une carrière bien établie en tant qu’ingénieur dans le secteur des transports, aidant la Commission des transports de Toronto à concevoir leurs premières voitures de métro et leurs premiers tramways à la fin des années 40.
Des experts comme Ralph Bean, un gestionnaire chez Canadian Car and Foundry (qui deviendrait plus tard Bombardier puis Alstom), et l’ingénieur Harry Pool joueraient ensuite un rôle clé dans la réalisation de ce croquis sur une serviette.
Russell Booth, un acheteur dans la division des achats de CanCar à l’époque, a travaillé aux côtés de Bean. « Ralph et Norman étaient les architectes originels des voitures à étage », a déclaré Booth.
Bean était méticuleusement détaillé. « Ralph veillait à ce que tout le monde fasse foi de ses actes », a déclaré Booth. « Il avait une mémoire sans pareille. » Il remettait en question les augmentations de prix, les coûts de main-d’œuvre et tout ce à quoi il pouvait penser, le tout dans un esprit de précision.
Pool, un ingénieur en structures mécaniques, a veillé à ce que les voitures nouvellement conçues soient structurellement robustes, un aspect essentiel pour la sécurité des passagers. « Harry passait des heures à réviser les calculs pour garantir l’exactitude des chiffres », se souvint Booth. « Une fois, nous étions sortis dîner lorsque Harry s’est soudainement levé pour partir, après avoir réalisé qu’un calcul qu’il avait examiné plus tôt n’était sans doute pas correct. Il vivait dans un monde de diagrammes, de chiffres et de théorèmes, que la plupart d’entre nous n’ont jamais compris. »
Niveler par le haut
Les voitures à étage ont aidé GO Transit à répondre à l’augmentation rapide de la demande (photo de Metrolinx).
Le 13 mars 1978, les premières voitures à étage ont fait leur apparition sur les rails avec un succès immédiat. Avec une demande en constante augmentation et un réseau GO en expansion (et qui continue de croître d’ailleurs), ces nouvelles voitures sont venues offrir 70 % de places assises en plus par rapport à leur prédécesseure à un seul niveau. Norm Kuster a même remporté une médaille d’ingénierie pour son travail essentiel dans l’adaptation de la voiture : un prix décerné uniquement à trois des 30 000 ingénieurs à l’époque.
Il n’y avait toutefois pas de temps pour se reposer sur ses lauriers. Au cours des décennies qui ont suivi, les voitures à étage ont continué de recevoir des améliorations, notamment l’ajout de commodités comme des toilettes complètement accessibles, des prises électriques, des prises USB, de nouveaux sièges améliorés, etc. Il y a même eu un temps où certaines voitures étaient munies de téléviseurs intégrés.
Un train West Coast Express de Vancouver comportant l’iconique voiture à étage.
Ces voitures à étage sont également utilisées en dehors de l’Ontario. Les exploitants y apportent même leurs propres touches, comme lorsque le West Coast Express de Vancouver exploitait un café à l’intérieur de la voiture.
Si vous vous retrouvez un jour dans les états de la Floride, de Washington, du Nouveau-Mexique, du Minnesota, de la Californie ou de l’Utah, vous pourriez remarquer la présence d’un ami sur les rails. Les agences de transport en commun de toutes ces régions ont l’emblématique voiture à étage dans leur parc.
Un éventuel classique
Plus de 180 voitures à étage sont remises à neuf à Thunder Bay, en Ontario : le même endroit où elles ont d’abord été construites (photo d’Alstom).
Grâce à des accords avec nos partenaires ferroviaires, des améliorations supplémentaires seront apportées à plus de 300 voitures à étage de GO Transit. 181 de ces voitures retourneront à leur usine d’origine à Thunder Bay, maintenant exploitée par Alstom. Les 121 voitures restantes seront envoyées à l’usine d’Ontario Northland à North Bay.
Dans ces deux usines, les voitures subiront d’importantes modernisations, comme l’installation de nouveaux sièges, d’un nouveau plancher, de nouveaux murs, de nouvelles portes et de toilettes modernisées, de même que des systèmes améliorés de chauffage et de climatisation.
Ces améliorations ont non seulement pour effet de créer et soutenir des centaines d’emplois, elles permettent également d’allonger la vie utile de ces voitures de 20 ans.
L’ensemble de nos 979 voitures à étage ont été construites à Thunder Bay, et il est plutôt approprié que tant d’entre elles retournent à leur usine d’origine pour un nouveau souffle de vie. Ces voitures classiques résistent toujours à l’épreuve du temps, et nous continuons de les améliorer à l’instar de ceux qui les ont conçues.
par Shane Kalicharan Metrolinx editorial content advisor